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NiceFuture > Mon bien-être 'Clean Clothes' : interview de F. GerberEntretien avec Florence Gerber, coordinatrice romande de la campagne.
La Campagne Clean Clothes s’engage depuis des années pour des vêtements produits dans la dignité. Interview de la coordinatrice romande de la campagne et collaboratrice de la Déclaration de Berne, Florence Gerber.
Florence Gerber : D'abord il faut savoir que la Campagne Clean Clothes en Suisse est une émanation de la campagne internationale Clean Clothes lancée aux Pays-Bas en 1990. En Suisse elle a été reprise en 1999 par la Déclaration de Berne, Pain Pour le Prochain et Action de Carême. Pour la première action forte, chacun-e avait la possibilité d’envoyer une carte postale aux entreprises textiles oeuvrant en Suisse pour leur poser 3 questions : "Avez-vous un code de conduite complet ?", "Existe-t-il une instance indépendante qui en contrôle l'application ?", "Les ouvrières et ouvriers peuvent-ils s'organiser librement et dénoncer sans risque toute violation de leurs droits ?". NF : Quels sont les obstacles rencontrés par les travailleuses et travailleurs du textile lorsqu'ils essaient de faire valoir leurs droits ? F. G. : Dans certains pays les syndicats sont interdits. Dans d'autres pays ils seraient admis par la loi mais on ne les laisse pas se constituer dans les usines. Une pratique très courante consiste à menacer, voire carrément licencier les travailleurs qui montrent des velléités à s'organiser, à mettre sur pied un syndicat ou simplement à être membre d'un syndicat existant. Or deux des Conventions fondamentales de l’Organisation Internationale du Travail portent justement sur les droits de libre association et de négociation collective. NF: La Campagne Clean Clothes se penche surtout sur la question des droits des travailleurs. Quelle est la place donnée aux problématiques environnementales ? F. G. : C'est vrai que la première préoccupation est sociale. Ceci dit, si on travaille avec des produits toxiques ou dans des conditions environnementales désastreuses, il y a aussi des répercussions sur les conditions de travail et sur la santé. Dans ce cas, les deux choses sont liées. Simplement, la campagne ne peut pas tout prendre en compte et a choisi de mettre l'accent sur les droits sociaux. NF : Comment les informations au sujet des conditions de travail dans l'industrie textile parviennent-elles jusqu'aux organisations qui portent la campagne ? F. G. : On travaille toujours avec une conjonction d'informations, la plupart venant directement de la société civile des pays producteurs, que ce soient les travailleurs ou des ONG locales. La Campagne Clean Clothes à l'échelle internationale forme un vaste réseau et génère un flux important d'informations relayées par les campagnes nationales. Dans le cas de Triumph par exemple, qui faisait produire sa lingerie en Birmanie, ce sont les travailleurs birmans et les relais de l'opposition politique qui ont demandé que la campagne soit menée dans les pays consommateurs. Résultat, Triumph s'est retiré de ce pays, renonçant ainsi à cautionner le régime militaire en place. NF : Quel bilan peut-on tirer de la Campagne Clean Clothes à ce stade ? F. G. : La pression publique s'est faite très forte. En Suisse, quelque 70'000 consommateurs ont envoyé dès 1999 les cartes postales de la campagne aux entreprises du secteur pour manifester leur détermination à mieux savoir ce qu'ils achètent. Conséquence, les entreprises ne peuvent plus ignorer cette pression et ces exigences. C'est devenu un must pour elles d'entrer en matière. On observe clairement chez elles un changement de discours. Pour ce qui est de leur comportement, le changement est peut-être plus lent et plus difficile à vérifier, mais la prise de conscience est certaine. Encore une fois, ce n'est qu'un tout premier pas. Et même si les efforts de quelques entreprises méritent d'être salués, il faut être prudent avec les lauriers qu'on leur octroie afin que ce premier pas ne soit pas aussi le dernier. NF : Justement, quels sont les moyens d'aller plus loin maintenant ? F. G. : Il faut maintenir cette pression et cette envie des consommateurs d'en savoir plus, ce qui n'est pas toujours évident, car les gens ont parfois tendance à se lasser d'un message qui dit toujours que les choses se passent mal au niveau des conditions de travail, etc. NF : Que puis-je faire en tant que consommateur ici en Suisse romande ? F. G. : Les moyens d'agir sont d'une part d'être conscients de la problématique, de s'informer et donc d'être curieux. J'ai des amis qui demandent systématiquement, lorsqu'ils achètent quelque chose, où cela a été produit, dans quelles conditions, etc. et qui demandent à voir le responsable quand les employés n'en savent rien. On peut aussi faire le relais de la Campagne Clean Clothes. Nous faisons de temps en temps des appels urgents par rapport à des cas précis en demandant aux consommateurs d'envoyer des e-mails demandant aux entreprises de corriger le tir. De plus, si l’acte d’achat n’est pas innocent, le consommateur est aussi citoyen. Etre conscient de ce que cela implique, et simplement voter, tous ces actes de citoyenneté sont liés entre eux. NF : Le modèle Switcher (voir résultats de l'évaluation par marques) est-il reproductible à des entreprises d'une autre taille et qui ont des centaines de fournisseurs ? F. G. : C'est vrai qu'il y a des niveaux très différents. Difficile pour une entreprise qui a déjà un très grand nombre de fournisseurs et sous-traitants de revenir en arrière pour n'en avoir plus que quelques uns, histoire de mieux maîtriser le cycle de production. Ceci dit le travail de Switcher pourrait en inspirer d'autres et quelle que soit leur taille on doit exiger des entreprises qu'elles aillent vers une meilleure vue d'ensemble de leur chaîne de production. Nicola Dänzer
[29/11/2004]
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