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SALON DE L'AUTO 2004 : tout roule dans le meilleur des mondes

BALLADE IMPRESSIONNISTE - Le Salon de l'auto, rendez-vous incontournable pour les chroniqueurs de votre webmagazine préféré dont la vocation est de suivre et d'anticiper les contours d'une société qui apprend à répondre à ses envies et ses plaisirs sans détruire irréversiblement l'environnement.
A la veille du Salon, NiceFuture désigne donc un volontaire. Cool, je m'y colle! Mais je vous préviens : je n'y connais rien en voitures.

Le voc de base

Jour de l'ouverture. Je prends le train. J'évite ainsi les embouteillages qui se forment, comme de coutume, sur les routes d'accès à Palexpo. J'ai le temps de me préparer aussi, en lisant quelques pages pêchées sur le site du Salon de l'auto et les articles des journalistes à qui on a ouvert le salon un peu plus tôt, histoire qu'ils nous mettent l'eau à la bouche. Inculte que je suis dans le monde de l'automobile, j'apprends ainsi les bases élémentaires qui donnent tout son sens à ce salon. Trois notions clé, qu'il faut impérativement savoir distinguer : nouveauté, première et concept-car.
On parle de nouveauté quand un modèle existant présente de nouveaux accessoires ou une variante différente. Du déjà vu, légèrement modifié.
Une première signifie qu'un produit présente "un style entièrement nouveau, commençant une nouvelle série de modèles ou se différenciant considérablement du modèle de base. Il ne doit pas avoir été présenté au public auparavant ni se trouver en vente" (1). Il peut s'agir d'une première suisse, européenne, mais le nec plus ultra c'est la première mondiale. Une voiture qu'on voit pour la première fois en vrai, qu'on peut toucher alors que personne n'a encore pu se la payer.
Le concept-car, c'est un prototype. Ça n'existe pas, sauf dans les centres de recherche, et au Salon de l'auto.
Me voilà prêt.


A vos marques, prêts, feu !

Arrivé sur place un quart d'heure avant l'ouverture, passées les formalités d'entrée et la fouille, je me retrouve dans une foule retenue derrière un ruban, attendant le signal d'ouverture comme des coureurs le coup d'envoi de leur marathon. C'est là que je constate que je me suis trompé de porte et me retrouve dans la halle des accessoires. Devant moi s'étend une sorte de garage géant, très propre et bien rangé, où le staff est tout prêt à vous accueillir avec ses brochures et ses cacahouètes. Mais plus question de revenir en arrière, la foule s'amasse et les agents de sécurité sont trop occupés. J'attends donc le coup d'envoi en feuilletant le guide qui m'indique, au bout de la halle, le passage vers les expositions de voitures entières. Ouf, j'aime mieux ça.

Départ ! Je traverse les allées de pneus, de jantes reluisantes, de parre-buffles et d'outils inconnus pour arriver dans l'immense halle six. Changement de décor : une fontaine high-tech crée des motifs inattendus dans l'espace, des images prenantes défilent sur des écrans épousant la forme des stands, une musique agréable enveloppe le tout... Captivé par ce qui se passe en l'air, je rate une marche et manque de m'étaler devant le museau menaçant de la dernière jeep installée fièrement sur un tas de rochers. Il faut que je fasse plus attention au sol. Et ça vaut la peine, car même les sols sont incroyables ici. Lumineux, transparents, en marbre massif ou en tapis profonds, ils se décalent, s'inclinent, se transforment en canapés ou se mettent à tourner. Chaque stand est un univers de design, d'ambiance, de tendance, digne des lieux les plus branchés. Bienvenue dans Le Salon ! … de l'automobile, c'est vrai, j'étais là pour ça en fait.


Déambulation au pays des nouveautés

Je visite quelques marques. En résumé, cela se passe comme ça : vous vous approchez d'un stand et dites bonjour à une hôtesse. Elle vous prend par le bras et vous emmène vers une première voiture. Elle s'arrête devant un modèle qui vous semble familier, ouvre la portière et vous invite à vous asseoir. Des commandes sur le volant, un tableau de bord immaculé, des sièges en cuir. En un mot votre hôtesse résume: "nouveauté". Puis elle vous montre un autre modèle. Celui-ci aussi ressemble aux voitures qu'on rencontre sur la route, mais il est mieux mis en valeur que le premier et quatre personnes y sont déjà installées, plus quatre autres qui en inspectent le coffre. Redoublant de sensualité dans sa voix, l'hôtesse vous explique: "première". Enfin elle vous invite à jeter un coup d'œil à un troisième modèle. Celui-ci ne ressemble à rien de ce qui roule sur les routes, d'ailleurs il est suspendu au dessus de vous, dans une position improbable. Sur un ton légèrement ironique votre aimable guide lâche : "concept".

J'ai bien fait d'apprendre mon vocabulaire de base. Jusqu'ici je ne suis pas largué. J'en profite pour en apprendre plus. Une fois que nous avons trouvé une langue commune, j'interroge mon hôtesse : avez-vous une voiture à hydrogène ou à pile à combustible ? Là, en général elle me regarde de travers. Je sais que ça veut dire non, je la remercie et passe mon chemin. Quand par contre elle me répond oui, et me montre le bolide en question ("concept") j'essaie de savoir quand la marque pourra produire ce type de véhicule "propre" en série. Elle est désolée de ne pas pouvoir me répondre, et se donne la peine de me trouver un spécialiste. Ce qui est malheureux, c'est que lui non plus ne sait pas, et s'égare dans des explications vaseuses. J'aimais mieux la sincérité et la convivialité de l'hôtesse. Même si plusieurs marques mettent en avant leurs recherches dans le domaine des propulsions propres, hydrogène et pile à combustible en tête de liste, seul le stand "éco-car" sera capable de me fournir des renseignements concrets et utiles sur les différentes alternatives aux moteurs à essence ou diesel. Pour en savoir plus, nous vous invitons à lire l'article qui fait le point sur les moteurs de plus en plus propres.

Time out

Un lounge suspendu au dessus d'un stand m'attire. J'ai besoin de sortir du tourbillon quelques instants et de reprendre mes esprits après tant de sourires charmants. Mais c'est peine perdue, pas de carte VIP, pas de lounge. C'est au rez-de-chaussée qu'il me faut chercher mon bonheur. Avis aux amateurs, les fauteuils les plus confortables se trouvent chez Fiat. Seul défaut, les airs d'opéra diffusés par une marque italienne voisine ne se marient pas très bien avec la musique électro qui résonne dans le reste de la halle. Confortablement installé, je laisse défiler à côté de moi cette vaste procession de fidèles autophiles, et vagabonder mes pensées. Toutes les deux minutes et demie, je lance tout de même un sourire bienveillant à la fille qui se retrouve face à moi, clouée sur une plateforme tournante arborant quelque nouveauté mondiale.


Cabinet du romantisme en live

D'ici dix jours, ce sera plus d'un demi million de visiteurs qui sera passé par là. Qu'est-ce qui fait de ce Salon un succès si gigantesque ?
Soudain me revient le souvenir d'une salle de musée à Budapest, la salle des romantiques. C'est là que la peinture romantique me dévoila une de ses clés. Les sujets représentés étaient assez différents, des paysages sauvages aux portraits en passant par les scènes de vie à la campagne. Mais ce qu'ils avaient tous en commun, c'est le fait de représenter un instant où l'on sent que quelque chose va se passer. Des tableaux qui ont l'air si calmes à priori, mais où la tension est énorme en fait. Une tempête sur le point d'éclater, la seconde qui précède l'apparition du soleil à l'horizon, ou un tissu fin qui doit tomber d'un instant à l'autre pour mettre à nu telle forme sensuelle d'un corps qu'on devine déjà. Des images qui restent figées sur cette frange, face à l'imminence d'un événement fort, laissant nos pulsions et nos sens à vif.

Le Salon de l'auto, c'est un peu ça, en mieux. Annoncez une cinquantaine de premières mondiales, publiez des images de bolides couverts d'un voile fin, ou lâchez simplement quelques formules magiques du genre Ferrari 612 Scaglietti Pininfarina, et les gens se mettent à frétiller, l'adrénaline monte, le public débarque en masse. Car ici on ne nous donne pas simplement à voir ces joyaux de technologie et de design qui sont sur le point de faire leur entrée sur le marché, on nous les donne à toucher, à vivre, l'espace d'un instant et dans une ambiance qui fait tout pour favoriser cette excitation des sens : femmes, musique, light show, confort...

Ça s'appelle jouer avec les sentiments, c'est une excellente stratégie de marketing sans doute, mais c'est aussi vieux comme le monde.


Circulez, la voie est libre !

Alors, quoi de neuf réellement dans ce Salon qui mise tout sur l'innovation ? Un design de plus en plus fignolé à l'extérieur comme à l'intérieur des voitures ? Non, un modèle qui doit avoir passé 50 ans est là, dans une vitrine, pour nous montrer qu'à l'époque aussi on était au top !

Serait-ce alors le fait de vendre un style de vie et pas simplement un véhicule motorisé ? Telle voiture est idéale pour le golf et le tennis, l'autre pour des excursions à deux au soleil... On vous propose d'ailleurs toute sorte d'objets dérivés véhiculant une marque de voiture. Tiens, par exemple des chaussons pour nourrissons sous la semelle desquels on lit "Volvo pour la vie". Mais ça n'a rien de révolutionnaire non plus, je pense même que c'est un terrain encore largement sous exploité. Et la technique ? Je reconnais, on n'arrête pas de faire des progrès. Mais une voiture reste une voiture, un peu plus efficiente, un peu plus confortable d'année en année, mais fondamentalement inchangée.

Après tout, le Salon de l'auto, ne serait-ce pas une grande messe où l'on va pour s'assurer que rien n'a changé ? La voiture reste notre dévoué serviteur, notre capsule de liberté, notre assise dans la modernité et un des moyens les plus sûrs d'affirmer notre personnalité. Rassurons-nous, on peut continuer de rouler tranquillement. Rien ne viendra nous perturber dans nos salons roulants. Et pour nous conforter encore plus, la route est parsemée d'affiches publicitaires géantes qui répètent le même message : Circulez ! Voir sa voiture sur affiche, n'est-ce pas le comble du bonheur ? Un clin d'œil pour nous répéter qu'on a fait le bon choix. On peut l'admirer de l'extérieur et de l'intérieur en même temps. Ecoutez-la, elle vous souffle un petit "psst! rassurant, ne t'en fais pas je suis toujours là. Tout roule dans le meilleur des mondes."

(1) Guide pratique & catalogue officiel du 74ème Salon de l'auto et accessoires.

Nicola Dänzer
[10/03/2004]

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