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Rencontre avec Dominique Bourg

Dominique Bourg est philosophe, professeur à l’université de Lausanne, spécialiste des questions environnementales, et membre du comité de veille de la Fondation Nicolas Hulot.

Lorsqu'on tape votre nom dans un moteur de recherche, on obtient un cv impressionnant. J'aurais voulu savoir ce qui a mené le petit Jurassien à devenir un grand Monsieur du développement durable?

Je ne sais si je suis ce que vous dites et je ne m’interroge guère sur mon parcours. Je peux toutefois affirmer que certaines lectures et rencontres ont beaucoup compté. Par exemple la découverte d’ « Avant que nature meure » de Jean Dorst, lorsque j’étais jeune étudiant ; puis, plus tard, un séjour postdoctoral de plus d’un an à Heidelberg, etc. Ma formation de philosophe m’a par ailleurs permis de prendre quelque distance et de chercher à comprendre la genèse du présent. J’ai aussi joué un rôle d’acteur du développement durable, en participant à diverses commissions institutionnelles en France. C’est également une excellente école. Et pour finir, j’ai beaucoup appris en travaillant pour le compte de la Fondation Nicolas Hulot.

N'avez-vous pas cette impression qu'en dehors du citoyen culpabilisé par les médias, beaucoup de choses sont dites, mais si peu sont faites?

Vous avez malheureusement raison. Prenons un exemple clé : depuis la signature de la Convention-cadre sur les changements climatiques à la suite du Sommet de Rio en 1992, la consommation mondiale d’énergie n’a cessé d’augmenter, et plus encore durant les récentes années, juste avant la crise. De façon plus générale, tous les indicateurs persistent à virer au rouge.


Avez-vous remarqué des changements profonds de mentalité au niveau politique?

L’idée que nous sommes confrontés à une rude crise écologique me semble désormais solidement installée dans les esprits, même si le public ne maîtrise pas toujours les ordres de grandeur des menaces qui s’accumulent. Quant à nos politiques, ils peinent à se cultiver, à comprendre et plus encore à agir. C’est dramatique.

Quelles sont, d'après vous, les urgences?

L’urgence est partout. Côté climat, si les mesures prises en 2009 à Copenhague sont trop faibles, on risque une élévation de température de plus de 3°C à la fin du siècle, ce qui serait catastrophique. Avec un réchauffement de 2°C, on peut encore s’adapter, à partir de 3°, cela devient, pour des régions de plus en plus vastes, impossible. L’Amazonie devient aride, ce qui entraîne le relâchement dans l’atmosphère de CO2 et de méthane en quantités gigantesques. On ouvre la boîte de Pandore ! Il faut donc impérativement prendre des engagements forts dès cette année, et arriver à diminuer régulièrement nos émissions de CO2 à compter de 2015-2016. Toute la difficulté est là : les dégâts importants commenceront à apparaître en 2030 ou en 2040, mais il est indispensable d’anticiper si l’on veut obtenir des résultats. En ce qui concerne l’eau douce et la biodiversité, les échéances sont plus proches encore. Avec cette difficulté supplémentaire pour la biodiversité, nous ne connaissons pas les seuils de rupture. Tel est le dilemme : les effets de la crise écologique se mesureront au cours des prochaines décennies, mais il est urgent d’agir compte tenu de l’inertie des systèmes naturels et de nos organisations sociales.

Comment voyez-vous notre monde en 2050?

Difficile question. Je refuse toute forme de résignation, et c’est pourquoi je veux le croire plus soutenable et désirable qu’aujourd’hui. Ce sera un monde sans carbone, mais aussi, malheureusement, plus pauvre en ressources, notamment minérales. Et du coup ce ne sera certes pas un monde avec d’immenses mégapoles à la circulation terrestre et aérienne grouillante. Nombre des tendances qui se sont accentuées ces dernières décennies devraient avoir disparu. Par exemple, ce devrait être un monde avec de nombreux agriculteurs, des villes plus petites mais relativement denses, entourées de ceintures maraîchères, entrelaçant végétation, voire biodiversité animale et habitat humain. Un monde où l’on aurait retrouvé la saveur des fraises de saison, la valeur des choses et la lente maturation du temps.


propos recueillis par Nadia Kara

[07/06/2009]



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