Qu’est-ce donc cet orchestre joliment présenté qui sourit à la masse consommatrice et entonne des airs d’altruisme en des mélodies sirupeuses propres à soulever les poitrines humaines d’un bref sentiment de compassion, soulageant l’esprit occidental coupable de ses excès de confort, apaisant l’âme au prise avec son impuissance face aux malheurs lointains, et faisant croire à une solidarité belle et réjouissante qui porte à acheter le cœur serein, le portefeuille volubile, la voracité des besoins non innés ne se limitant guère aux produits estimables d’un commerce équitable mais engrangeant tout et n’importe quoi dans le même panier d’achat.
Il est trop facile, pour ceux qui en ont les moyens, de s’acheter la virginité, la probité et la sainteté de leurs agissements. Sûrs ainsi de s’assurer notre confiance à la simple vue d’une annonce revendiquant leur engagement pour les bonnes causes. On ne fait pas de tintamarre avec le cuivre des balances de la justice, chaque publicité de ce type mêlée au trafic des gains économiques tient de l’indécence et ne mérite que notre suspicion la plus sévère. C’est pour se disculper d’un amas de malhonnêteté qu’on fait propagande d’une broutille de moralité.
Aussi paradoxal ceci puisse-t-il paraître, une vertu qui fanfaronne n’est pas crédible, une vertu qui agit le fait en silence. Les beaux discours trahissent plus la difficulté de mettre en œuvre leur propos qu’ils ne témoignent d’un comportement idoine. Il n’est pas question de les fustiger ou de les juger, mais de vérifier qu’ils ne cachent pas le contenu en négatif de ce qu’ils avancent. Le combat pour un monde meilleur ne peut pas se faire à la façon aveugle dont se déroule l’abrutissement général. L’éveil des consciences, l’éducation de l’esprit positivement sceptique, l’encouragement à la pensée autonome sont probablement des conditions initiales indispensables, sans lesquelles toute entreprise, tout investissement est voué à l’échec, condamné au néant, et se verra insensiblement rattrapé par ce qu’il condamne : les forces de domination et de puissance normalisatrices sont maîtresses en l’art de détourner à leur avantage ce qui les menace.
