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Interview VIP : Patrice Mugny

L’engagement est pour Patrice Mugny son fil d’Ariane. Après un premier parcours sur les planches de théâtre, il devient journalisme puis rédacteur en chef du quotidien Le Courrier à Genève. Très actif dans la lutte contre le nucléaire et pour la défense des étrangers, il entre dans la politique active chez les Verts genevois. Aujourd’hui élu au Conseil municipal de la ville de Genève
il reste convaincu que c’est uniquement par la politique que les choses peuvent changer. Patrice Mugny n’est pas un adepte de la langue de bois. Ses opinions tranchées et son point de vue clair rendent cette interview passionnante.

NiceFuture : Dans ce numéro de Noël, nous voulons montrer que les préoccupations éthiques entrent aujourd’hui dans tous les domaines de notre société. Qu’en pensez- vous ?
Patrice Mugny :
En préambule je voudrais dire que si une majorité de gens se préoccupait et votait pour l’environnement cela se saurait, c’est vraiment minoritaire.
Par exemple, actuellement une part très très importante de la pollution est due au déplacements. Hors il y a trois déplacements que l’on pourrait réduire de manière extrêmement importante : c’est en premier lieu les marchandises, comme par exemple les crevettes péchées au Danemark que l’on va décortiquer au Maroc et que l’on remonte consommer finalement au Danemark, ou, autre exemple, le lait de Bavière que l’on va mettre en yaourt en Grèce et que l’on remonte consommer en Bavière uniquement parce que les salaires de Grèce sont meilleurs marchés. Ce sont des transports absurdes, strictement inutiles.
Actuellement 70% des transports de marchandise sont inutiles.
De plus si vous remettez en cause les avions comme Easy Jet qui n’ont strictement aucun sens car si on payait le coût réel de ces trajets, on voyagerait dix fois moins comme il y a vingt ans en arrière et on n’était pas plus malheureux.
Et si en plus on ne prenait pas la voiture pour un déplacement de moins de 1 kilomètre, on supprimerait globalement facilement 50% des déplacements et la consommation des transports.
C’est une chose simple qui n’enlèverait rien à notre confort. On ne serait pas moins bien chauffé, on ne vivrait pas moins bien au niveau de l’alimentation, on vivrait même tous mieux et … on le fait pas.
Et ce constat, la majorité des gens le savent et absolument tout le parlement en est conscient ! Mais le parlement ne vote pas cela. Si vous demandez leur avis aux 200 conseillers nationaux ils vous affirment tous être soucieux de l’environnement, n’empêche l’Office fédéral de l’environnement est le seul secteur qui a vu son budget se réduire de 40 % en quelques années.

N.F. : Est-ce que vous ne croyez pas que si on sensibilise le monde économique, cette situation peut évoluer ?
P.M. : C’est le monde politique qui ne bouge pas ! Par exemple quand on a été confronté au problème de l’ozone, les Etats-Unis ont dit que ce n’était pas possible de supprimer les gaz qui mettent en danger l’ozone car cela mettait en péril l’économie américaine. Pourtant quand un trou d’ozone est apparu sur la Floride et que des cancers de la peau sont apparus, en six mois ces gaz ont été éradiqués.
Je pense qu’il n’y a qu’une pédagogie : c’est la pédagogie des catastrophes !
Quand on aura vécu dix catastrophes nucléaires, les gens renonceront définitivement au nucléaire, si vous avez 50 pétroliers qui s’échouent en mer, on va changera ce fonctionnement. Si nous vivons encore dix étés caniculaires avec des ouragans de plus en plus violents et une montée des eaux avec un pays comme les Pays- Bas submergé, vous verrez que le comportement global changera. Le monde ne va changer que par des catastrophes, les gens sont incapables de modifier leur comportement sans être contraints de le faire. Parce que peu de gens acceptent de renoncer à leur voiture. Le jour où l’on sera vraiment en danger... Pourtant tout le monde sait que nos petits enfants seront dans une situation.

A.     Questions personnelles
 

NiceFuture :  Quel a été votre plus grand moment de bonheur cette année ?
P.M. :
Je ne peux pas vous répondre, c’est intime.

N.F. : Votre truc « bien-être/relaxation » que vous utilisez dans la vie de tous les jours ?
P.M. :
Je fais du vélo pour aller au boulot, cela m’évite d’être obèse et de ne plus avoir de souffle. Mais ce n’est pas relaxant. Il y a mille manières de se relaxer : prendre un bain, faire l’amour, prendre 3 heures sur un canapé pour rêvasser, lire de la poésie.

N.F. : Un espace, un lieu qui évoque pour vous l’harmonie, un havre de plaisir ?
P.M. :
Mon appartement.

N.F. : Un objet que vous aimeriez transmettre à vos enfants ?
P.M. :
Je n’ai pas d’objet essentiel.

N.F. : Une valeur que vous aimeriez transmettre à vos enfants ?
P.M. :
Il n’y en a pas qu’une ! La lucidité et la bienveillance. Etre bienveillant avec soi-même et lucide, c’est déjà pas mal !

N.F. :  Dans votre quotidien, quelles sont les attitudes "NiceFuture" qui vous motivent ? (manger bio, achats de proximité, déplacements, bien-être, jardinage, équité sociale, placements éthiques, etc... tout ce qui a un rapport de près ou de loin au développement durable)
P.M. :
Je me déplace en vélo en général et en bus quand il pleut. Je mange souvent bio parce que j’aime bien, je trie les déchets, mais à côté de cela je fais des choses moins « bio » : je prends des bains parce que cela me détend.

N.F. : Consom’action, c’est une vision à laquelle vous adhérez ?
P.M. :
J’essaie d’éviter d’acheter des produits qui viennent de trop loin, j’achète local quand je peux. Je consomme peu parce que j’ai peu de besoins. Je n’ai pas de voiture et peu de meubles, chez moi c’est vide. Je mange bio.

N.F. :  Anticipez le monde de demain : vous le voyez comment ? Ce sera un monde plus égoïste ? Plus ouvert sur les autres ? Plus au moins éthique ? Pourquoi cette vision ?
P.M. :
Je vois le monde de demain identique à aujourd’hui. Je ne crois pas que les gens vont être meilleurs demain que hier, et pas pire non plus. Le monde, à un moment donné, va changer car son mode actuel le détruit, donc il va trouver un autre mode de faire. Le monde sera comme aujourd’hui, pétrit de générosité et de méchanceté, capable de grandeur et de petitesse.

N.F. :  L’année 2005, une année faste pour vous ?
P.M. :
Normal.
 
B. Questions globales

N.F. :  Quel est l’événement marquant dans le monde qui vous a touché cette année ?
P.M. : Votre questionnaire est absurde, il n’y a pas un événement marquant qui m’a touché cette année. Il y a chaque jour des choses qui me touchent. Chercher l’événement marquant c’est fonctionner comme cette société où il faut tout hiérarchiser. Vous parlez de développement durable et vous êtes complètement dans la société du spectacle.

N.F. : C’est vrai que ce questionnaire est spectaculaire, mais c’est volontaire parce que nous cherchons à toucher et intéresser un public qui aime s’informer sans être dans une démarche profondément existentielle.
P.M. : Avec votre système vous touchez les gens en maintenant un raisonnement qui est faussé, vous ne rendez pas les gens plus intelligents.

NF : Nous n’avons pas l’intention de rendre les gens plus intelligents, nous avons l’intention de montrer que le développement durable peut être un mode de vie sympathique, ludique, privilégiant la qualité de vie et que cela peut être un choix de vie plus fun dans notre monde d’aujourd’hui.
P.M. : Le marketing ne va pas changer les gens en matière de comportement ‘développement durable’. C’est une démarche qui ne m’intéresse pas beaucoup. Faites ce que vous pensez juste, cela ne me gène pas. Mais pour moi, j’ai envie que ce monde change parce que les gens sont un peu plus intelligents, pas parce que c’est « plus fun ».

N.F. : Qu’est-ce qui vous révolte dans le monde d’aujourd’hui ? qu’est-ce qui vous enchante ?
P.M. :
L’injustice, l’inégalité, le manque de lucidité, le manque de capacité des gens de vivre en paix.

N.F. : Quelle serait l’innovation (technologique, de comportement, légale....) qui changerait la face de nos sociétés à votre avis ?
P.M. :
La plus grande invention que l’on pourrait faire c’est d’appendre à être plus lent !

N.F. : Si vous aviez une baguette magique, que feriez-vous pour mettre en place « un monde meilleur » ?
P.M. :
Je me changerais moi-même dans le but de m’améliorer.

N.F. : Que souhaitez-vous en 2006 ? pour vous ? pour vos proches ? pour le monde ?
P.M. :
Rien

N.F. : Quelle est votre bonne résolution pour 2006, si vous en avez une ?
P.M. :
Non, aucune.

Propos reccueillis par Barbara Steudler

[20/12/2005]



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