-  +
Panorama du vin bio

Alors que les produits bio gagnent le cœur de nombreux consommateurs et de fortes parts de marché, aussi bien chez les producteurs indépendants que dans la grande distribution, le secteur du vin semble faire de la résistance. Qu’en est-il vraiment ? Quels sont les préjugés et les enjeux du vin bio ?

Quatre facteurs déterminent le goût et la qualité d’un vin : le ou les cépages qui le composent, le climat, le terrain dans lequel pousse la vigne, appelé aussi terroir, et la vinification. Si les caractéristiques propres à chaque variété et les variations météorologiques ne subissent que peu l’influence directe de l’homme, celui-ci possède une relative maîtrise des deux derniers facteurs.

Il peut choisir de répandre ou non différents pesticides, fongicides, herbicides et engrais dans sa vigne. Comme cette plante possède des racines très profondes et très sensibles au terrain dans lequel elles plongent, on retrouve ces éléments dans le raisin puis dans le vin. De même, lors du processus de vinification, on ajoute, afin de mener à bien la fermentation, un certain nombre de produits dans les cuves. Ceux-ci vont du blanc d’œuf ou de l’argile, tous deux destinés à accélérer la précipitation des particules en suspension, à l’adjonction de souffre(SO2) aux vertus anti-oxydantes et anti-sceptiques, en passant par l’utilisation de levures sélectionnées et de charbon.

Il convient de savoir que l’élaboration d’un vin répond à une réglementation élaborée avec minutie et strictement contrôlée. Ainsi, tout élément ajouté au moût doit être autorisé et ne pas dépasser certaines valeurs. A ces limitations, s’ajoutent celles qui figurent dans les cahiers des charges des différentes appellations, telles que l’AOC (Appellation d’Origine Contrôlée) ou les appellations désignant un vin de qualité supérieure comme Grand Cru, Grains Nobles ou Terravin.

Mais pour les inconditionnels de l’agriculture biologique, cela peut sembler insuffisant. A quoi bon éviter de manger des aliments qui contiennent des pesticides si l’on retrouve ces mêmes agents dans le vin ? Alors faut-il se priver du plaisir de boire un Dézaley, un Œil-de-Perdrix ou une Dôle, si l’on fait attention à son alimentation? Heureusement, la réponse est non. Il existe un certain nombre de vins vinifiés de manière biologique élaborés en Suisse et à l’étranger qui, néanmoins, demeurent relativement difficiles à acquérir.

Après avoir mené ma petite enquête dans la ville de Lausanne, je me suis rendu compte que pour trouver un tel vin soit il fallait aller chez un des rares propriétaires-encaveurs qui travaillent de manière biologique, soit il faut se fournir chez Coop, seule grande surface à proposer quelques vins bio. Il semble donc que, pour le consommacteur de vin, le choix s’avère fort réduit. En fait, les choses sont plus compliquées. Il faut savoir que les vins biologiques pâtissent d’une réputation fort mauvaise et plus d’un viticulteur se refuse à afficher le label bio alors qu’il cultive son vignoble d’une manière respectueuse de l’environnement.

Pour comprendre la situation générale de la viticulture suisse, qui ne peut se comparer ni à celle de la France, ni à celle des vins du nouveau monde, il faut savoir que, en une vingtaine d’années, ce secteur a subi des bouleversements majeurs. Jusqu’au début des années 80, tous les efforts des producteurs tendaient vers une augmentation de la production à n’importe quel prix. Les conséquences sont connues : effondrement de la qualité, empoisonnement des sols et des eaux, disparition des cépages autochtones, appauvrissement de la diversité biologique et apparition de stocks gigantesques de vinasse imbuvable et invendable.

Des mesures importantes ont été prises par les cantons et l’on a vu la mise en place de quotas, d’appellations contrôlées et de réglementations strictes afin de garantir une qualité minimale des vins suisses. Malgré quelques résistances initiales aux limitations de rendement, la plupart des vignerons ont changé leur manière de travailler la vigne et 25 ans plus tard le résultat parle de lui-même. Non seulement les piquettes d’antan ont disparu, mais nos vins se sont améliorés d’années en années et raflent distinctions et prix d’excellence dans les concours internationaux.

Cette qualité provient d’un changement profond des mentalités ainsi que des méthodes de travail. Aujourd’hui la production intégrée (label Vinatura) est devenue le standard dans la viticulture suisse. Les exigences de ce label concernent aussi bien le choix du site de plantation de la vigne que le respect des alentours du vignoble et de la biodiversité en passant par la sélection des cépages et des porte-greffes, celle du système de tuteur, la préparation et l’entretien du sol, l’irrigation, les travaux du cep, et pour terminer le choix, l’application, le stockage ainsi que l’utilisation des produits phytosanitaires. Ainsi, si l’emploi d’agents chimiques est autorisé, leur utilisation doit se faire de manière raisonnée et seulement en cas de nécessité.

La plupart des vignerons considèrent donc qu’ils travaillent déjà de manière écologiquement correcte et ne sont pas tentés de chercher à acquérir un label de vin biologique (Bourgeon Bio-Suisse). Ce label interdit l’usage de fongicides de synthèse, d’herbicides et d’insecticides. Il implique aussi que l’ensemble de l’exploitation soit travaillé de manière globale et écologique.

En outre, certains vignerons qui ont expérimenté la culture biologique considèrent le résultat décevant. Constatant que la qualité désirée n’est pas au rendez-vous, ils se sont tournés vers la biodynamie qui, selon eux, leur permet de produire non des vins biologiques acceptables, sinon d’excellents vins en respectant la nature et le terrain où pousse la vigne. La viticulture biodynamique considère le sol comme un organisme vivant à revitaliser en utilisant des produits naturels, dont diverses « préparations », utilisées en fonction de cycles cosmiques et d’influences telluriques.

Cette méthode, très contestée, mais qui a convaincu divers grands noms de la viticulture fait partie de l’anthroposophie, fondée par Rudolph Steiner(1861-1925) et postule l’existence de liens entre les plantes, les animaux, la terre, les planètes, le cosmos et l’homme. Les exploitations travaillant selon ces principes sont signalées par le label Demeter. Celui-ci interdit l’emploi de fongicides de synthèse, d’herbicides ou d’insecticides, prescrit des préparations et des produits spécifiques utilisés selon un calendrier des influences cosmiques et implique que l’ensemble du domaine soit cultivé de manière biodynamique.

L’obligation de cultiver l’entier de l’exploitation de manière bio -logique ou dynamique-, empêche souvent les vignerons qui possèdent des domaines très hétérogènes de recevoir le label correspondant. Ainsi, de nombreux vins suisses s’avèrent bio ou pour le moins éco-conscients, même s’ils n’en font pas un argument de vente. Ce qui ne rend pas les choses faciles. Alors informez-vous dans votre cave ou votre oenothèque préférée, car il serait dommage de se limiter à la quinzaine de vins labellisés bio disponibles en grande surface...

Alexandre Truffer
[11/12/2004]



  ENVOYER A UN AMI
 VOTRE AVIS SUR CET ARTICLE :    bof   ça va   bien   génial   >>>>  

© Association NiceFuture - Tous droits de reproduction et de diffusion réservés  |  Design & Content Management System:  bleu-vert communication www.NiceFuture.com  |  www.BoutikEtik.ch  |  www.angesgardiens.ch  |  www.festivaldelaterre.ch  |  www.ethicalfashiondays.ch