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Le bonheur est dans le potager !

INTERVIEW - C’est un mercredi après-midi à Lausanne, et la salle du «restaurant Villa Louis et dépendance» dans le quartier du Flon est calme après «la bataille» du service. Seul un manager et un jeune cuisinier se font face autour d’une table dans cet intérieur style «art déco». Le jeune en question s’appelle Christophe Logodin. Il est le sous-chef du restaurant et c’est précisément avec lui que nous avons rendez-vous. C’est avec son plus beau sourire qu’il nous met rapidement à l’aise et nous propose de rejoindre la cuisine afin d’y tenir notre interview.

Après San Francisco aux Etats-Unis et Sydney en Australie, il a décidé de s’installer à Lausanne. A 30 ans, il représente bien une nouvelle vague de cuisiniers influencés par le métissage des cultures et la fusion des influences, tout en revendiquant un attachement au caractère local et à une certaine tradition de son métier.

NiceFuture : Christophe, ça ne te dérange pas que l’on se tutoie ?
Christophe Logodin : Tu te la joues Karl Zéro, avec les cheveux en plus ?
NF : Non, au contraire. Je préfère le tutoiement, je n’aime pas vouvoyer, ça met une distance et c’est pédant.

NF : Tu travailles chez «Louis» depuis l’ouverture en juin dernier. Vous êtes complet 5 jours sur 7, qu’est ce qui fait votre succès ?
C. L. : C’est l’accumulation de plusieurs facteurs. D’abord, il ne faut pas oublier que le Flon est un lieu de passage. Chaque jour 50'000 personnes passent par là ! Ensuite, le cadre est vraiment agréable. C’est une structure spacieuse décorée avec goût. Le résultat en fait un endroit "hype" de Lausanne. Et quand on ajoute à ça un excellent rapport qualité/prix conjugué à une magnifique présentation dans l’assiette, tu peux comprendre aisément la réussite du restaurant Louis. Je te donne un exemple : un tartare de saumon à 17 francs ou une entrecôte au moelleux de pommes de terre avec une sauce à l'échalote à 22 francs. Au dessert tu peux terminer avec un feuilleté de tarte aux pommes à 6 francs. C’est beau à regarder, bon au goût et pas cher !

NF : En parlant de produits, quel peut être l’avantage de travailler avec des producteurs locaux pour un restaurateur?
C. L.
: Personnellement je crois énormément dans la vente directe entre producteurs et consommateurs. Et, en tant que restaurateur, j’essaie dans la mesure du possible de travailler avec les producteurs locaux, ce qui n’est pas toujours possible pour un grande structure tel que le restaurant Louis. Mais l’avantage consiste à instaurer une relation personnelle de confiance avec ces producteurs locaux. Pouvoir se rendre sur place, toucher la terre où poussent les légumes que j’achète, c’est vraiment le top ! Les petits producteurs ont des productions restreintes, ils misent de plus en plus sur la qualité. L’éleveur qui a 15 vaches donne un nom à chacune d’entre elles. Il les «bichonne». Pour moi c’est un gage de qualité. A long terme, j’aurai plus confiance dans ces petits producteurs que je connais personnellement et en qui j’ai confiance, que dans un quelconque label bio.

NF : Pourtant le label bio est ultra contrôlé, fiable, avec un cahier des charges très stricte ?
C. L. : Les produits bio sont intéressants en terme de santé, mais dans mon travail je n’y accorde pas une grande importance.

NF : Pourquoi ?
C. L.
: Le problème avec les légumes bio c’est qu’il ne répondent pas à des critères esthétiques. Ils ont souvent des formes irrégulières. Pour un restaurateur l’esthétique des produits est très importante. Les clients sont réceptifs à la fraîcheur des aliments, à leur goût, et à leur aspect. La présentation des aliments doit être parfaite. Prenons une courgette : elle doit avoir une belle couleur verte et être ferme. Et puis, il y a le problème de l’approvisionnement. Nos fournisseurs ne proposent que très peu de produits bio ou de manière irrégulière. Or l’important pour nous est la régularité de l’approvisionnement des denrées alimentaires. Car nous subissons une forme de pression de la part de nos clients. Les produits proposés à la carte ne doivent pas venir à manquer, il en va de notre crédibilité. Les consommateurs réclament toute l’année un certain nombre de produits indépendamment des saisons, tel que les tomates ou la salade. Nous sommes obligés de tenir compte des mentalités et des habitudes alimentaires des clients.

N F : Un restaurant qui ne travaille qu’avec des produits de saison pourrait avoir du succès ?
C. L. : Je pense qu’il y a là un véritable créneau. Les produits de saison reviennent à la mode. Jusque là oubliés de nos assiettes, on redécouvre d’anciens légumes aux formes et aux couleurs inhabituelles, tels que le rutabaga de la famille des navets ou la topinambour qui est une tubercule proche de la pomme de terre à chair d’artichaut. La cuisine à l’ancienne revient en force, les recettes de nos grands-mères sont de plus en plus «tendance».

NF : Cette mode, c’est de la nostalgie, de la curiosité, du snobisme ?
C. L. : Nos habitudes alimentaires sont envahies par la banalité, la standardisation. Nous sommes dans un système de monoculture. La monoculture agricole et la monoculture industrielle, c’est comme la pensée unique. Résultat : les gens ont envie d’autres aliments aux formes et aux couleurs qui contrastent avec le standard et le calibrage des éternelles tomates hivernales sans goût en provenance du Maroc.

NF : Tu envisages à court terme d’ouvrir ton propre restaurant, comment le vois-tu ?
C. L. : En ce qui concerne la nourriture, je donnerai la priorité au rapport qualité pour le client. Mon objectif est de faire fusionner toutes les saveurs que j’ai pu rencontrer dans mes voyages, créer une sorte de laboratoire culinaire au quotidien, être créatif et original. Mais l’idée qui me tient le plus à cœur est de posséder un potager juxtaposé à mon restaurant, capable d’approvisionner les besoins de l’enseigne. La carte stipulera «légumes maison». Cette mention fera office de label de confiance directement entre le client et mon établissement. Plus qu’un label bio, je mise avec conviction sur ce caractère local. Je pense ma cuisine d’une manière globale, mais je compte la réaliser avec des moyens locaux. Mon restaurant sera un espace ouvert, je veux cuisiner devant les clients. La cuisine sera donc au milieu de la salle. Les clients pourront voir se mijoter sous leurs yeux les plats qu’ils ont commandés. Les cuisiniers animeront les soirées tout comme un groupe de musique pourrait le faire.

Denis Palma
[01/03/2004]



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