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Interview VIP : Michel Mayor

Scientifique renommé, directeur de l'Observatoire de Genève jusqu’en 2004, Michel Mayor est professeur d'astrophysique à l'Université de Genève. En 1995, il découvrait avec son collègue Didier Queloz, la première planète hors du système solaire. Une révélation suivie de beaucoup d'autres : près de 160 exoplanètes ont été décelées à ce jour, dont 80 par son groupe de recherches à l’Observatoire.

Etudier les étoiles et le ciel n’empêche pas Michel Mayor d’avoir les pieds bien ancrés sur terre. Et quand il parle du quotidien de notre planète, c’est avec toute la sérénité d’un homme habitué à considérer les éléments sur le long terme.

NiceFuture :  Quel a été votre plus grand moment de bonheur cette année ?
Michel Mayor :
La naissance de mon troisième petit-enfant, un garçon !

N.F. : Votre truc « bien-être/relaxation » que vous utilisez dans la vie de tous les jours ?
M.M. :
Je suis sensible aux objets qui ont une histoire. Par mon grand-père, j’ai moi-même hérité d’un tableau que j’aimais depuis mon enfance. Il travaillait dans les compagnies de chemin de fer et m’a aussi légué des lampes à pétrole provenant des wagons. Si je devais choisir un objet à transmettre, ce serait avant tout à titre de souvenir, non pour sa valeur marchande.

N.F. : En parlant de valeurs, laquelle aimeriez-vous transmettre à vos enfants ?
M.M. :
Les trois sont adultes maintenant, je parlerai donc au passé ! J’ai tenté de leur communiquer le goût de la recherche, la curiosité.

N.F. :  Comment avez-vous fait, concrètement ?
M.M. : Leur présenter la beauté de certains éléments, attirer leur attention sur des phénomènes remarquables, expliquer avec enthousiasme… Je crois qu’il s’agit avant tout d’une ambiance familiale. Nous passions nos vacances à crapahuter dans les montagnes pour collectionner de minuscules fossiles, découvrir la botanique, escalader les pentes de volcans. Avant d’être en âge scolaire, ils ont eu la chance de m’accompagner deux mois par an dans un observatoire du Sud de la France : c’est un peu leur maison de famille ! Mais tout dépend des centres d’intérêts. D’autres préfèreront emmener leurs enfants au musée ou au cinéma, leur parler de peintures ou de voitures. L’important est aussi de conserver une attitude positive vis-à-vis de l’école et de l’enseignement qu’ils y reçoivent.

N.F. :  Cette démarche a-t-elle été couronnée de succès ?
M.M. : Je suis heureux de constater que, dans leurs choix professionnels, mes enfants n’ont pas placé l’argent comme moteur de leur vie mais ont privilégié l’acquisition de connaissances.

N.F. : Vous avez d’autres sources de satisfaction, plus spécialement en 2005 ?
M.M. : En termes de recherches, l’année a été fructueuse pour mon équipe comme pour moi !*
(*NDR : les travaux de M Mayor ont notamment été distingués par de prestigieux prix)

N.F. : Au quotidien, y a-t-il des « attitudes NiceFuture » qui vous motivent ?
M.M. : Nous ne consommons pas spécifiquement des produits étiquetés bio mais nous refusons les aliments préparés ou « trafiqués » : rien de tel que les fruits et légumes, tout natures ! Ma femme achète dans les Magasins du monde. Mais j’avoue qu’en termes de déplacements, je ne fais pas figure d’exemple. Je voyage en avion, notamment pour me rendre dans l’Observatoire de la Silla, au Chili. 

N.F. : Quel évènement dans le monde vous a marqué cette année ?
M.M. :
La succession de cyclones m’a intrigué. Je ne peux m’empêcher de penser à la question préoccupante du changement climatique. Du point de vue scientifique, c’est une nouveauté : pour la première fois, l’homme influence durablement la nature. Je suis très étonné de rencontrer des personnes qui ne croient pas encore à ce bouleversement. La température de la Terre va augmenter, avec tous les phénomènes catastrophiques que cela pourra engendrer. Même l’Europe sera concernée par un changement, peut-être un refroidissement majeur.

N.F. : Vous pensez que la tendance est irréversible ?
M.M. : J’aimerais croire à la réalité des mesures qui seront prises et je serais le premier à applaudir à l’instauration d’une taxe sur les émissions de CO2. Mais je ne parierais pas sur la réussite de tous ces efforts. C’est comme un gigantesque pétrolier croisant un rocher sur sa route : comment faire dévier sa trajectoire assez rapidement pour éviter l’impact ? J’espère que les modifications climatiques s’étaleront dans le temps, histoire de laisser les populations s’adapter.

N.F. :  Hormis ces visions quelque peu pessimistes, y a-t-il des motifs d’enchantement quand vous regardez autour de vous, aujourd’hui ?
M.M. : Je ne suis pas pessimiste ! Je suis juste capable d’envisager, de prévoir certains événements très, très lointains. J’aime profondément la nature, les marches en haute montagne, les voyages avec sac à dos. Je garde en mémoire de merveilleuses images de ma dernière randonnée à Madère, le long des levadas.

N.F. :  Qu’est-ce qui vous révolte en 2005 ?
M.M. : Entre autres, la situation au Pakistan. Les tremblements de terre font malheureusement partie de l’histoire de la Terre. Ce qui me surprend et m’attriste le plus, c’est que l’on ne soit pas mieux organisé pour agir rapidement après une telle catastrophe humanitaire.

N.F. :   Et le monde de demain, comment le voyez-vous ?
M.M. : C’est mitigé. La médecine du XXIème siècle représente un énorme espoir, notamment le génie génétique médical : pour soigner les souffrances, je dis oui ! Quant à la mondialisation, si elle se traduit par une perte de liberté, je dis non ! Certains mouvements se dessinent pour prendre le contrôle de biens universels, comme l’eau : c’est intolérable.

N.F. :  Quels sont vos souhaits pour 2006 ?
M.M. : Parmi mes souhaits pour le monde, il faudrait que les travailleurs des pays pauvres soient correctement payés.
A titre professionnel, nous poursuivrons la recherche d’une planète légère, aux caractéristiques proches de la Terre. Pour deux raisons : les mécanismes de formation ne sont pas les mêmes que pour les planètes à masse gazeuse importante. Et nous avons de bonnes raisons de croire que les planètes rocheuses sont plus susceptibles d’abriter la vie.

N.F. :  Découvrir la vie, est-ce votre finalité ?
M.M. : Non. Mon équipe est d’ailleurs absorbée par de nombreux autres travaux. Mais j’aimerais développer des conditions favorables pour que les jeunes chercheurs suisses puissent participer aux futures équipes internationales en quête de nouvelles formes de vie.

N.F. :  Quelle est votre bonne résolution pour 2006, si vous en avez une ?
M.M. :
Je ne suis pas un adepte des résolutions. Mais j’avoue qu’il faudrait que je diminue mon volume de travail… Ce n’est pas chose faite !


A lire si vous souhaitez en savoir plus sur les exoplanètes :
Les nouveaux mondes du cosmos, Ed. Seuil, par Michel Mayor et Pierre-Yves Frei.

Propos recueillis par Corinne Baffou

[20/12/2005]



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