Sis dans l’ancienne prison de Morges, le café Balzac a relégué aux oubliettes la cuisine morne et ennuyeuse. Dans ses préparations, Cay, le patron, libère les saveurs de saison et déchaîne les arômes des épices.
Il prépare les plats du jour et les salades au gré des commandes. Tout se fait sur place, avec pour moteur la qualité et non la rentabilité. Ici, les légumes surgelés réchauffés au four à micro-ondes et le thé de grande surface n’ont pas droit de cité. De même, les liants, colorants et agents conservateurs ne passent pas la porte.

Chaque matin, le patron, se met en quête d’ingrédients pour la journée. Il rend visite à ses fournisseurs, des paysans du coin, et ce qu’il achète le matin, il le prépare à midi. Ainsi, les aliments en cuisine s’avèrent toujours de première fraîcheur. Vu cette manière de procéder, il arrive parfois, que tel ou tel produit ne soit pas disponible pour des raisons naturelles, par exemple lorsqu’un renard dévaste le poulailler qui le fournit habituellement en œufs…

Les mets proposés racontent les pérégrinations de Cay. Né en Indonésie, il a beaucoup voyagé en Asie du Sud-Est et en Afrique du Nord, d’où il a ramené des recettes et les épices pour les mitonner. Avant de décider s’il va s’inspirer de la tradition culinaire des Iles de la Sonde ou de celles du Maghreb, le chef consulte la météo. S’il fait beau et chaud, il choisira un poisson ou un crustacé à savourer sur la terrasse. Si le ciel se montre gris et froid, une volaille ou une viande remontera le moral. Que les végétariens ne se fassent pas de soucis, un menu leur est destiné qui, lui aussi, varie au jour le jour. Et comme tout se prépare au fur et à mesure, il est toujours possible de demander un plat spécial qui ne se trouverait pas sur la carte.

Mais si une chose fait la renommée du Balzac, c’est la Table de Monsieur Honoré qui a lieu le dernier vendredi de chaque mois. La soirée s’articule autour d’un thème précis, un produit qui se décline en salé et sucré, un pays ou une contrée. Cette année, on y découvrira la Malaisie, l’Inde, l’Iran et le Foie Gras. Hélas, le nombre de participants est limité à quarante et il faut réserver presque six mois à l’avance pour faire partie des heureux élus.

Mais, que son excellente cuisine ne nous fasse pas oublier que le Balzac se veut tout d’abord un salon de thé, chocolat et café, désireux de rendre ses lettres de noblesse à ces anciennes boissons de rois. Quel délice de déguster un chocolat maison dans ce cadre extraordinaire, installé confortablement sur des coussins de soie. L'ambiance de ce lieu insolite est propice à l'évasion de l'esprit vers de lointains paysages. Pour la petite anecdote, sachez que les fèves de cacao servaient de pièces de monnaie à l’époque du Mexique précolombien. Vingt-sept mélanges de thé, douze chocolats différents, nous rappellent que les sachets dont nous avons l’habitude sont plus destinés à faciliter la vie de l’industrie alimentaire qu’à satisfaire le consommateur.

Pour ceux qui ne connaissent que les produits industriels, je ne saurai que leur recommander de faire un petit tour à Morges et de goûter un chocolat préparé avec des fèves de cacao sélectionnées, il risquent d’avoir une surprise...